[Attention spoiler] Guillaume Canet réussit avec « Nous finirons ensemble » à faire un film good movie sur le deuil. Nous décortiquons avec lui le processus du deuil, sa douleur, ses dégâts et la délivrance.
Une dépression qui puise son origine dans le deuil
Max, le personnage campé par François Cluzet, après avoir connu la réussite : dirigeant d’entreprise florissante, chef de bande, perd tout (épouse, sociétés, argent, amis). L’élément déclencheur : la mort de son ami dans « Les petits mouchoirs » dont « Nous finirons ensemble » est la suite. En effet, après la disparition d’un des siens, la bandes de copains se disloque. Max sans sa bande est comme vide, et enchaîne les erreurs et mauvais choix. Jusqu’à se retrouver exsangue et presque seul.
Qu’en est il de son état : dépression ?
Dans le précédant film nous quittions un personnage fort, actif, anticipant tout, fiable, en contrôle. Dans « nous finirons ensemble » nous le découvrons irritable, sans contrôle des situations. Il a visiblement une mauvaise image de lui-même, et ne semble plus avoir envie de s’amuser alors même que ses amis installent une climat de fête. Il semble ne plus répondre aux stimulations. Peu à peu il nous montre ses insomnies, ses crises de larmes. Il présente bien des symptômes de la dépression.
Néanmoins, il reste actif et cherche des solutions jusqu’à ce que la vision de tout ce qu’il croyait perdu lui saute aux yeux. Il décide de se suicider et se rate.
Le travail de deuil de son ami, et de la bande perdue n’a pas été fait. Etudions le deuil pour mieux comprendre ce film.
Le modèle Kübler-Ross du deuil.
Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre Suisso-Américaine, a définit les stades émotionnels du deuil. D’un deuil difficile et contre le quel le sujet résiste.
Max passe par les étapes de la courbe du deuil.
- Il est frappé de plusieurs chocs : dans « les petits mouchoirs » son ami meurt, puis son épouse le quitte, enfin son échec entrepreneurial.
- Il le nie, et emprunte beaucoup d’argent pour continuer « comme avant »
- Il est en colère après le monde entier de ne pas être aussi infaillible qu’il le souhaitait
- La peur le gagne. La peur d’être friable, de ne pas être le tuteur, la peur de ne plus être aimé peut-être. Quand ses amis le surprennent pour son anniversaire, il les repousse préférant croire que leur amitié est obsolète et évitant ainsi le risque d’une nouvelle exclusion.
- Il est gagné de mélancolie, mal en public, insomniaque et prit de crise de larme. Plongé dans un tel marasme qu’il envisage le pire.
- Face à un autre choc : la peur de perdre un enfant, il refait surface et accepte sa situation.
- Il semble se pardonner sa faillite et s’accepter.
- Le film suivant nous montrera peut-être le renouveau de Max.
Quand la bande ou la famille fait le deuil
Si Max est le personnage pivot de ce film chorale. Les autres personnages de « Nous finirons ensemble » sont tous en phase de deuil. Leur ami perdu dans le premier opus est le fantôme qui ère dans ce qui reste un feel good movie.
Le déni
Laurent Laffite, son personnage est amusant, naïf et n’a pas évolué depuis « les petits mouchoirs ». Il n’évoque jamais leur ami perdu et représente l’immobilisme, le déni.
La colère
Marion Cotillard en colère contre son fils, contre elle. Incapable de tourner la page et d’aller de l’avant. Elle vit la nuit, travaillant dans un bar, comme pour ne pas voir à la lumière la réalité. Dès qu’elle est touchée, elle se montre désagréable et saisit toute occasion négative pour montrer sa colère. Elle refuse d’accepter l’amour de Gilles Lellouche.
L’acceptation
Valérie Bonneton ; la future ex-épouse de François Cluzet (dans le film) est un des personnages le moins visible, et un des plus forts symboliquement. Elle est le territoire perdu. Elle va jusqu’à se donner à un concurrent de Max incarné par José Garcia. Il est évident qu’il n’y a pas de retour possible. Elle est le deuil, la disparition, la perte éternelle. Ouvrant le dernier mouvement du film, son départ de la maison où elle vient de passer quelques jours, est le début de l’acceptation pour Max de la disparition de son ami. Une fois la maison vidée de ses souvenirs conjugaux, Max peut entamer une phase d’acceptation.
Le pardon
Gilles Lellouche s’est fâché avec Max par le passé. Cependant, il est venu faire la paix avec son vieil ami. La demande de pardon correspond à l’ouverture du film, le moment où les destins vont pouvoir basculer. Et c’est d’ailleurs bien à lui que Max fera le premier des confidences. Ce pardon permettra à Gilles Lellouche et Marion Cotillard de faire le deuil de déboires amoureux pour avoir une nouvelle histoire d’amour ensemble.
Quête de sens
Pascale Arbillot reprend le pouvoir sur son plaisir en collectionnant les aventures furtives. Ces passades lui procurent ce qui lui avait tant manqué jusque là. Cependant, en repoussant Laurent Laffite et accueillant à nouveau Benoît Magimel elle semble bien en quête de sens. Non, elle ne couchera pas avec tout le monde (pas un ami par exemple), mais accepte toujours l’étreinte du mari perdu, comme pour se rappeler qu’elle aime l’amour aussi.
Renouveau
Benoît Magimel est en plein renouveau. Il a accepté une nouvelle sexualité (identité ?). Il a même commencé une vie de couple épanouie. C’est par lui que l’amitié liant la bande renaît en décidant de la réunir à l’occasion de l’anniversaire de Max.
Le salut vient de l’entourage
C’est ensemble et après des années que cette bande fait le deuil de la mort de leur ami. La chaleur, la bienveillance, l’empathie de ses amis remet Max à flot. Il croyait être l’homme fort de la bande. Finalement, c’est la bande qui fait office de tuteur. Le personnage de Jean Dujardin apparaît même à la fin du film à François Cluzet comme pour montrer qu’enfin sa mort est acceptée. Enfin, Max et les autres vont pouvoir tourner la page et vivre de nouvelles histoires d’amours et d’amitié sereinement.
Deuil + dépression = Feel good movie
Et oui, un film sur le deuil peut-être un feel good movie. Que serait la joie sans mélancolie ? Que serait la richesse d’un bon ami sans pouvoir mesurer son absence ?
« Nous finirons tous ensemble » montre que dans la vie, on tombe, on a peur, on est triste, et on se relève pour regarder l’horizon et accepter l’avenir avec la douceur d’une nuit de printemps.