Lundi 27 mai 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé annonçait l’entrée du burn out parmi la Classification Internationale des Maladies et corrigeait le mercredi suivant cette annonce pour signifier qu’il s’agit d’un «phénomène lié au travail».
Que faut-il comprendre : reconnaissance ou non reconnaissance de l’OMS du burn out ?
Il s’agit bien d’une reconnaissance puisque le « phénomène » est inscrit dans la Classification Internationale des Maladies. Et cette annonce correspond à un approfondissement puisque le burn out était déjà mentionné dans la précédente classification de l’OMS publiée le 11 avril 2018.
Avant toute chose : Qu’est ce que Classification Internationale des Maladies de l’OMS ?
C’est une nomenclature qui permet de créer une définition commune des troubles associée à un code. Les professionnels de la santé peuvent ainsi échanger des données plus facilement. A partir de ces définitions, les états membres peuvent ainsi publier des statistiques. Ces codes servent aussi aux assurances santé pour classifier et rembourser les malades.
Dans sa nouvelle classification, L’OMS précise la définition du burn out
«Le burn-out, ou épuisement professionnel, est un syndrome conceptualisé comme résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été correctement géré». Trois dimensions le caractérisent:
- un sentiment de manque d’énergie ou d’épuisement;
- un retrait vis-à-vis du travail ou des sentiments de négativisme ou de cynisme liés au travail;
- une perte d’efficacité professionnelle.
Le terme de burn-out ou d’épuisement professionnel désigne spécifiquement des phénomènes relatifs au contexte professionnel et ne doit pas être utilisé pour décrire des expériences dans d’autres domaines de la vie.»
Comment cette nouvelle définition fait-elle avancer la cause de victimes de burn out ?
Si une non reconnaissance en maladie pourrait paraître insuffisante à certains égards, la classification présente tout de même des intérêts.
Une reconnaissance mondiale du phénomène
L’OMS est un excellent porte voix. La simple inscription du mal dans la classification fait les gros titres de tous les médias mondiaux. Et contribue ainsi à plus de sensibilisation et réflexion dans nos sociétés.
Des statistiques mondiales et locales
Grâce à cette récente classification, nous allons pouvoir compter le nombre de victimes et les localiser. Enfin, il sera possible de chiffre précisément le coût que pèse sur nos caisses publiques (telle que l’assurance maladie) l’épuisement professionnel. Notons qu’aujourd’hui, en France, nous ne savons pas précisément combien de personnes en sont atteintes. Seules des estimation sont proposées par des ONG.
Pour en savoir plus, nous vous proposons un article sur les chiffres du burn out.
Une définition consensuelle du burnout
Avec cette acception, le pool de médecins et scientifiques internationaux se rapprochent de la définition donnée par Christina Maslach faisant désormais consensus. Malheureusement, cette définition est encore mal connue, et de nombreux praticiens confondent encore burn out et dépression. En inscrivant à ce niveau de documentation le trouble, l’OMS offre un outil de dépistage aux professionnels de santé et aux victimes.
Notons que l’OMS insiste sur le caractère professionnel du burn out et du lien entre travail et épuisement.
Rappelons-nous que la ministre du travail, en activité à la date de l’annonce, avait déclaré quelques mois plus tôt : « Toute la communauté médicale, dont l’OMS, dit que ce n’est pas une maladie professionnelle. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas se développer dans le monde du travail bien sûr, a-t-elle déclaré. Mais [le reconnaître], cela voudrait dire que c’est lié à 100% au milieu professionnel. Or, ça n’est pas le cas. »
Il est désormais mondialement admis que le burn out puise sa cause à 100% dans le travail. Il est même la conséquence d’une exposition au stress prolongée et mal gérée.
Si l’OMS ne désigne pas qui de l’employé ou de l’employeur est le responsable de la mauvaise gestion du stress, rappelons que le code du travail est clair à ce sujet :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
En cas de non-respect, l’employeur peut engager sa responsabilité civile et/ou pénale.
La classification internationale démontrant ainsi l’origine professionnelle du burn out donne un outil aux victimes pour faire valoir leur droit. Ceci pourrait donner une source supplémentaire de motivation pour que les organisations professionnelles améliorent la prévention du stress au travail.
Alors pourquoi pas de reconnaissance du burn out en maladie professionnelle de la part de l’OMS ?
A cette question difficile, nous pouvons relever deux faisceaux handicapant la reconnaissance en maladie. Une raison mécico-environnementale et une raison « politique ».
Identifier l’origine d’une maladie professionnelle comme le burn out est difficile
La reconnaissance en maladie professionnelle a d’abord été pensée pour les métiers pénibles et les expositions toxiques. Il est « facile » d’évaluer une exposition à l’amiante, au plomb. On peut tout autant mesurer la quantité d’air pollué respirée par un mineur ou les positions causant des troubles musculo-squelettique.
Mais quantifier le stress, évaluer la qualité de vie au travail, prouver le harcèlement, mesurer le bon rapport entre charge de travail et nombre d’employés, confirmer un système de récompense juste, s’assurer d’un bon équilibre entre respect des process et prise d’autonomie … Voilà bien des tâches ardues.
La reconnaissance en maladie professionnelle engendre de nouveaux droits
Une victime de maladie professionnelle a des droits plus étendus que si elle n’est qu’un « malade ordinaire ». La durée d’indemnisation est plus longue (les indemnités n’ont pas de limite de temps), une pension peut-être reversée après l’arrêt maladie, et la victime peut demander dommages et intérêts.
La décision de reconnaissance en maladie professionnelle coûterait plus chère aux caisses de l’assurance maladie et probablement aux entreprises peu soucieuses du bien-être de leurs employés.
Voici probablement la raison pour la quelle cette reconnaissance n’est pas encore faite en France. En Europe, rares sont les pays à avoir franchi le cap. L’Italie et la Lettonie prennent en charge pleinement le burn out. D’autres pays comme la Belgique lancent des projets pilotes visant à accompagner de façon soutenue des patients. « Dans ce projet, le burn-out est considéré comme une maladie en relation avec le travail et non pas comme une maladie professionnelle ». Le terme reste taboo, mais la prise de conscience est indéniable.
La classification en maladie professionnelle n’est pas encore faite, cependant, l’organisation de santé prévient qu’elle commence un travail de fond concernant la santé mentale sur le lieu de travail. Sans préjuger des conclusions, il va sans dire que l’épuisement professionnel aura toute l’attention des chercheurs.
Sources
OMS : ICD-11 for Mortality and Morbidity Statistics (Version : 04 / 2019) QD85 Burn-out :
https://icd.who.int/browse11/l-m/en#/http://id.who.int/icd/entity/129180281